On m’a souvent demandé d’expliquer plus en détails comment je suis devenu « Monsieur Money Moustache » à un si jeune âge. Les commentaires sur mon blog en Anglais, et de nombreux emails, m’ont demandé de partager les montants de mes Salaires et de mon Epargne au fil des ans, et de décrire les entrées d’argent exceptionnelles, ou les stratégies peu communes qui ont rendu tout cela possible.
J’ai hésité à partager ces détails auparavant, principalement parce que je n’ai pas gardé toutes les traces écrites de ces années-là, et que c’est un bilan assez compliqué et imprécis à réaliser de mémoire. Et puis, c’est embarrassant de devoir me mettre « à poil » en public en montrant mes finances. Mais zut, plein de blogueurs spécialisés en finance vous montrent des graphiques de leur patrimoine en temps réel sur la page d’accueil, donc ce n’est pas trop demander à MMM que de dévoiler un vague résumé de son histoire lointaine.
Et puis, cela m’est aussi utile de mettre les choses à plat, pour convaincre ceux qui doutent, pour divertir les voyeurs, et pour que les Moustachistes débutants puissent comparer leur propre progrès à mon parcours. Donc voici ma tentative de retracer l’histoire aussi précisément que possible. De mes débuts en tant que jeune diplômé pendant les premiers jours de l’Internet, jusqu’au charpentier aux mains calleuses et à la barbe poivre-et-sel qui vous écrit aujourd’hui.
NdT : les sommes d’argent ont été traduites en Euros en utilisant le cours le plus exact possible pour chaque période. Cela explique, sur une période de 10 ans, la fluctuation des montants en Euros.
L’année « 0 » (1997) : La Carrière à plein temps démarre. Monsieur Money Moustache vient de décrocher à la sueur de son front et est enfin prêt à rejoindre la fiesta du monde du travail. Il démarre son premier emploi au début du mois de Mai, et sèche carrément la Soirée de Remise des Diplômes Universitaires parce qu’il ne veut pas rater la moindre journée de travail (il vient de s’installer dans une ville à 500 km de la fac).
Âge : 22 ans
Salaire de départ : 41 000 $ (34 000 euros de l’époque)
Endettement pour payer ses études : Zéro – grâce à des dépenses raisonnables, un « coup de pouce » d’environ 10 000$ (8 400 euros) incluant l’aide de ses parents ainsi qu’une bourse, et des jobs d’été pendant le lycée et l’université.
Patrimoine total : Absolument ZERO. Rien sur le compte en banque, n’a jamais eu de voiture, juste un vélo, un sac à dos, et son diplôme.
Année 1 : J’ai démarré cette première année comme un idiot, en achetant une voiture de sport Ford Probe GT presque neuve pour 16 000 $ (13 500 €). Et j’ai emprunté à ma soeur aînée de l’argent pour l’acheter (manque de bon sens absolu !!!). Cela m’a pris presque toute l’année pour rembourser cet emprunt. Je m’amusais aussi à épater la galerie en sautant de bar en bar, de restaurant en restaurant, en entassant du matos informatique et des meubles, des accessoires pour ma voiture, et un voyage au Mexique pour couronner le tout.Heureusement pour moi, j’ai souscrit au plan épargne retraite proposé par mon employeur. J’ai aussi travaillé comme un esclave, et passé mes weekends et soirées au bureau. Grâce à tout cela, et à un marché en plein essor dans les nouvelles technologies, j’ai eu une augmentation au cours de cette année, ce qui ma amené à un salaire de 57 600 $ (48 000 euros), et à un pactole de l’Année 1 : 5 000 $ (4 200 euros) sur mon compte d’épargne retraite.
Année 2: Pendant ces deux premières années, je vivais en colocation en partageant une série de maisons, que nous avons successivement baptisées L’Asile 1, puis L’Asile 2, et L’Asile 3. Du coup mon loyer était d’environ 350 $ (290 euros) par mois, et les charges étaient minuscules. Après avoir fini de rembourser mon emprunt stupide pour ma voiture trop chère, et grâce à mon nouveau salaire, j’ai pu économiser un peu plus : 5 000 $ dans le compte retraite, 3 000 $ (2 500 euros) dans des actions de l’entreprise qui m’employait, et 10 000 $ (8 400 euros) en cash.
Pactole en fin d’Année 2 : 23 000 $ (19 300 €). (13k dollars dans les actions et en liquide, et 10k dans le compte retraite)
Année 3 : C’était la fin de l’année 1999, et les marchés financiers (ainsi que le marché de l’emploi) étaient en pleine explosion. J’ai dégoté un nouveau travail aux Etats-Unis et j’ai émigré là-bas pour toucher un salaire de 77 000 $ annuels (72 000 euros de l’époque). Je suis parti dans ma bonne vieille Probe GT à la conquête de Boulder, dans le Colorado, et j’ai utilisé le journal local pour me trouver une autre colocation, et avoir un loyer dans mon budget de 400 $ (360 euros) par mois. J’ai décidé que je voulais acheter une maison – mais j’ai été déçu d’apprendre qu’il me faudrait 47 000 $ (44 000 euros) d’apport pour acheter une petite maison, qui me coûterait un minimum de 235 000 $ (220 000 euros). J’ai vendu les actions de mon employeur de l’année 2, qui valaient maintenant 9 000 euros, et j’ai économisé davantage sur mes nouvelles fiches de paie. Après plusieurs mois à mon nouveau poste, j’avais en poche les 44k€ d’apport. A la fin du mois de Mai, j’ai fêté une année productive de travail en emménageant dans ma nouvelle maison.
Pactole en fin d’Année 3 : 67 000$ (47k dans la maison, 10k dans le compte retraite, 10k en cash)
Année 4 : A ce stade, celle qui allait devenir un jour ma femme a enfin obtenu son diplôme au Canada et a décidé de me rejoindre à Boulder. Elle est descendue dans le Colorado à bord de sa vieille Civic de 1993, et s’est lancée à la recherche d’un job. Elle a décroché un poste pour 44 000 $ annuels (45 000 euros à l’époque). Et moi, j’ai réussi à me faire débaucher par une autre société de la région pour le salaire clownesque de 83 000 $ (85 000 euros). C’est là que les choses ont commencé à s’emballer côté revenus, bien que nous étions encore bien loin de penser à la retraite anticipée. Pendant les vacances, on a visité une grande partie des USA et de Hawaï, et aussi fait un détour par l’Australie et la Nouvelle Zélande. J’ai mis de côté 20% de mon salaire dans un compte d’épargne retraite « 401k » et mon employeur a versé un complément de 5000$, et pareil pour ma petite amie. Nous avons tout les deux ouvert des comptes Vanguard pour investir tous nos excédents de cash. Nous avons aussi effectué des remboursements anticipés sur le prêt de la maison.
Pactole en fin d’Année 4 : 150 000 $ (165 000 euros de l’époque)
Année 5 : Nous étions encore des Bons Petits Soldats du travail à cette époque, donc nous avons obtenu des augmentations. J’ai touché 100 000 $ (110 000 euros) cette année-là en incluant mes primes, et elle a touché 60 000$ (66 000 euros). Je travaillais très dur cette année-là sur les rénovations de la maison. Nous avons organisé pas mal de super soirées dans cette maison, et la vie était belle. Cette année-là j’ai également bêtement endommagé mon patrimoine de 10 000 $ en achetant une moto flambant neuve avec cet argent si facilement gagné. Mais les plus-values sur mes actions en Bourse ont commencé à s’accumuler, ce qui représentait 10 000 euros environ cette année-là. Donc nous avons tout de même réussi à augmenter notre épargne de 100k après impôts cette année-là.
Pactole en fin d’Année 5 : 250 000 $ (275 000 euros)
Année 6 : Mon salaire a augmenté un peu à cause d’une prime inattendue de mon employeur, et ma petite amie a décroché une augmentation elle aussi, amenant son salaire à 65 000 dollars. (60 000 euros de l’époque)
ET, nous n’avons rien acheté de stupide cette année-là. En fait, j’ai finalement eu l’idée de génie de vendre ma voiture, et nous sommes devenus un couple mono-véhicule. La 2e voiture ne m’a pas manqué une seule minute. Les gains de nos investissements nous ont rapporté 20 000$ (18 000 euros) cette année-là. C’est compliqué de me rappeler quel pourcentage était imposé à l’IR, et quel pourcentage était sur des comptes retraite non imposables. Mais une estimation réaliste de notre patrimoine à cette époque serait…
Pactole en fin d’Année 6 : 365 000 $ (310 000 euros)
Année 7 : Pas d’augmentation de salaires, mais le même genre de super revenus tout en gardant des dépenses modestes, combinées avec des gains de 30 000$ sur nos investissements.
Pactole en fin d’Année 7 : 490 000 $ (400 000 euros)
Année 8 : Une augmentation pour la jeune mariée (!) qui touche maintenant 70 000 $ annuels (57 000 euros). Pendant ce temps, je suis passé à un temps partiel de quatre-cinquièmes en échange d’une réduction de salaire de 20% – mon premier test pour voir si la retraite anticipée pourrait me plaire. Mais c’était quand même une année qui nous a apporté un sacré boost, puisque j’ai vendu mes stock options d’un précédent employeur, et touché des primes chez l’actuel. Mes revenus ont dû atteindre un montant dingue de 125 000 $ (102 000 euros) cette année-là. Mes investissements ont rapporté 40k.
Pactole en fin d’Année 8 : 600 000 $ (462 000 euros)
Année 9 : J’ai quitté mon job !!! Et j’ai démarré ma propre petite activité de jeune retraité exploitant une passion : une petite entreprise de construction. Cela m’a rapporté environ 50 000 $ (38 000 euros) la première année, et ma femme travaillait encore pendant une partie de cette année avant de décider de rester à la maison s’occuper de notre bébé, ce qui a rapporté 60k (46 000 euros). En plus, on s’installe dans une nouvelle ville et on achète une maison moins chère, et on met la première maison en location ce qui rapporte un cashflow positif important vu qu’on n’a qu’un petit prêt. Comme la maison a aussi gagné en valeur depuis que je l’ai achetée, je commence à inclure la plus-value potentielle dans le décompte de mon patrimoine à partir de ce moment (environ 100 000$ une fois qu’on soustrait le coût des matériaux utilisés dans la rénovation, soit 73 000 euros de l’époque). Je considère que 50k environ viennent de la montée du marché immobilier, et 50k sont directement liés à la rénovation. Et les gains de mes investissements s’élèvent à 35k.
Pactole en fin d’année 9 : 720 000 $ (525 000 euros)
À un moment pendant l’année 9, on s’est auto-déclarés « À La Retraite ! », et on a quitté nos CDI pour pouvoir s’occuper à plein temps de notre bébé. Le loyer de la maison qu’on avait mise en location couvrait largement les prêts des deux maisons. De plus, on avait quand même des petites activités à temps partiels pour nous occuper après les premiers mois de vie parentale. Au bout d’un moment on a déménagé encore une fois et on a mis les deux premières maisons en location. Et puis, plus tard on a vendu les deux maisons et investi les gains ailleurs. Et je suis devenu encore plus sage et j’ai vendu ma moto, ce qui a libéré en même temps une petite pile de cash, et plein d’espace dans mon garage, que j’ai enfin pu consacrer à mon plus grand amour : mon atelier de bricolage.
Pactole en fin d’année 10 : 800 000 $ environ (512 000 euros)
Au fil des dernières années de ce récapitulatif, mais sans que les montants soient inclus ci-dessus (histoire de ne pas rendre l’explication trop compliquée), j’étais aussi en train de m’intéresser à cette activité secondaire de construction. C’était un succès incroyable la première année, puis un flop catastrophique la seconde année. Je vous raconterai les détails une autre fois, mais l’histoire a une fin heureuse. C’est juste qu’à cause de ce business j’ai construit une maison flambant neuve que personne n’a voulu acheter (à cause de la crise immobilière) et que je me suis retrouvé pendant des années avec cette maison qui immobilise une grande partie de notre patrimoine, mais qui génère tout de même 2400 $ de loyer mensuel (1750 euros).
Aujourd’hui je ne construis plus de maisons pour tenter de les vendre – j’ai fermé cette société, et Madame Money Moustache et moi, avons immatriculé une petite entreprise ensemble qui sert à faire ce qui nous intéresse sur le moment. Des rénovations et finitions dans pour des voisins sympa dans mon cas, et des ventes immobilières de temps à autre pour des voisins sympa dans son cas. Cette carrière sans stress nous convient très bien, et me permet de ne pas passer mes journées assis dans un canapé à écrire des articles pour VOUS.
Evidemment, la Brigade de la Rente va sauter sur l’occasion pour dire, « Attends Un Peu, Monsieur Money Moustache ! Tu viens d’avouer que tu travailles encore de temps à autre ! CE N’EST PAS UNE VRAIE RETRAITE ! »
À ces personnes, je ne peux que répondre : « Vous verrez bien par vous-mêmes ». Parce que quand vous quittez votre job salarié, vous vous retrouvez d’un coup avec plein d’énergie supplémentaire, ce qui veut dire que vous avez envie de faire encore plus de choses de votre temps ! Et si certaines de ces choses vous rapportent de l’argent, ainsi soit-il.
Je nous considère comme À La Retraite, parce que c’est un nouveau mot étonnant à utiliser pour désigner des gens de moins de 50 ans, et beaucoup plus frappant que « Indépendant Financièrement ». Et puis, le cashflow de nos investissements est largement supérieur à nos dépenses… Donc on peut travailler juste pour le fun, et selon nos propres conditions. Par exemple, cette année, j’ai arrêté mes projets de charpenterie et menuiserie et je me suis mis à écrire ce blog (!) et à accepter des missions bénévoles comme donner un coup de main à l’école primaire de ma ville. Pendant d’autres années, je gagnerai probablement des centaines de milliers de dollars de façon accidentelle en démarrant une nouvelle entreprise. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?! Même dans ce scénario, Monsieur Money Moustache sera quand même retraité, et vlan.
Depuis l’année 10, plusieurs années se sont écoulées, et puisqu’on a une maison en location qui paie toutes nos factures et parce qu’on fait encore des petits travaux qui mobilisent nos compétences pendant que notre fils est à l’école, les gains de nos investissements ainsi que notre revenu ont continué à s’accumuler. On a aussi fini de rembourser le prêt sur la maison principale.
Donc… même si on refusait d’avoir la moindre petite activité fun et lucrative à partir de maintenant, il faudra à un moment donné qu’on se mette à dépenser comme des malades, ou (plus probable) faire des choses positives et généreuses avec l’argent en rab qu’on a.
Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Que je préfèrerais donner carrément mon argent, plutôt que de le dépenser pour payer un bataillon de mecs à faire du raffut avec des tondeuses à gazon et des souffleurs à feuilles sur ma pelouse pour que je puisse les regarder tranquillement travailler depuis mon transat ? Oui, messieurs-dames, je dis ça pour vous faire comprendre que la « frugalité » devient un vraie mode de vie à un moment donné, au point où vous finissez par préférer une vie simple et autonome même si vous avez enfin les moyens de vous payer tout et n’importe quoi.
Je suis sûr que je vais recevoir pas mal de questions me demandant d’expliquer d’où venaient tous ces gains (je ne me souviens plus exactement, mais je me souviens avoir fait une série d’achat d’actions du S&P 500 – équivalent américain du CAC40 – pendant la grosse crise des années 2000 ; et aussi un peu d’achat/revente d’actions Cisco quand elles sont tombées à 7 $ et remontées à 30 $). La plupart de mes gains venaient simplement d’investissements périodiques à sommes fixes et de dividendes. Et l’argent que j’ai épargné via les plus-values en Bourse reste minime comparé à ce que j’ai épargné simplement avec la bonne vieille technique de ne-pas-acheter-des-trucs-à-tout-bout-de-champ.
Les points fondamentaux de ma grande stratégie ont principalement été :
- Vivre à deux dans un budget total de 30 à 40 000 dollars par an (21 000 à 29 000 euros par an) incluant notre coût d’hébergement,
- Économiser tout le reste.
Le plus gros facteur qui nous a permis de vivre avec un budget aussi léger, est notre décision de vivre près de notre lieu de travail, et de ne PAS passer notre temps dans une voiture.
Je sais aussi que d’autres personnes vont me faire la remarque que les salaires mentionnés ici étaient élevés, par rapport au revenu médian des travailleurs. Je ne le nie pas – on a eu la vie facile, et c’est pourquoi on est partis à la retraite au début de la trentaine. Mais beaucoup de gens que je connais gagnent beaucoup plus que nous, et les salaires dans le milieu de l’informatique sont beaucoup plus élevés maintenant qu’à l’époque où j’ai démissionné pour partir à la retraite. J’ai peut-être eu de la chance lors du boom des technologies internet, mais les gens qui travaillent dans ce secteur aujourd’hui ont encore plus de chance. Et pourtant, la plupart d’entre eux ne sont même pas propriétaires de leur voiture, et encore moins leur avenir financier. Donc je pense que cela vaut quand même la peine de partager ces détails. Avec des salaires plus normaux, bien sûr, il faut ajuster légèrement ce plan. Peut-être que vous devriez vous rabattre sur une maison qui coûte moins que les 400 000 $ (290 000 euros) qui sont actuellement immobilisés dans ma maison actuelle, par exemple.
Ou alors vous pourriez décider de travailler jusqu’à l’âge avancé de 40 ou 45 ans ! Mais dans quasiment toutes les situations, pour une personne de la classe moyenne, la retraite est un événement qui peut se produire LARGEMENT avant votre 6à ou 65ème anniversaire, si vous vous y mettez suffisamment tôt.
* Photo: ces escaliers en spirale mènent à un loft au 3e étage d’une maison que j’ai construite. C’est mon ami Intiaz Rahim qui a fait ces jolies photos en 2010.