Ma vie de « prolétaire » : Comment je fais vivre ma famille avec un budget de 23 000 euros par an

La Maison de M. Money Moustache

Voici une des plus grosses objections que je reçois de mes nouveaux lecteurs :

« OK ok, je comprends les arguments de Monsieur Money Moustache. C’est une bonne idée, sur le papier, de dépenser moins que ce qu’on gagne. Mais MMM est un peu trop hardcore. Je ne suis pas encore prêt à vivre une vie d’ascète, et à me priver de tout pour que ma famille subsiste avec moins de 25 000 euros par an ! »

Cette récrimination revient encore et encore, même si je passe mon temps à répéter que la famille Moustache a un niveau de vie plutôt indécent, sans aucune privation financière. Les gens ne me croient simplement pas, et ils n’ont pas le temps de lire les articles qui expliquent toute la situation.

Alors, j’ai fait ce petit résumé pour vous montrer à quoi ressemble vraiment la vie quand une famille avec enfant vit avec moins de 25 000 euros par an en retraite anticipée. Comme cela, à chaque fois qu’on me rabâche à quel point je me prive pour vivre ainsi, je n’aurai qu’à donner le lien de cet article.

Avertissement : SVP, ne prenez pas cet article comme un encouragement en faveur du matérialisme et des dépenses excessives. Mon objectif n’est SURTOUT pas de dire « Hey ! Regardez tout ce luxe dans lequel nous vivons ! »

Au contraire, c’est avec un peu de culpabilité que je montre les photos dans cet article, parce que tout cela est loin de l’idéal minimaliste que recherchent les personnes les plus heureuses du monde. Tout ce que je peux faire, c’est vous dire « voilà où on en est aujourd’hui ; clairement c’est au-delà du strict nécessaire ; et au fil du temps, on réalise qu’on a besoin de moins en moins de choses, et non pas l’inverse ».

C’est parti – dans le style « Magazine », voyons ensemble chaque aspect de notre style de vie, avec une photo et une description, puis quelques notes pour expliquer comment on tire le maximum dans chaque domaine tout en réduisant les dépenses. Parce qu’après tout, ce n’est pas la quantité dépensée qui compte, c’est l’efficacité de cette dépense pour nous rendre plus heureux.

La Maison

La Maison de M. Money Moustache

C’est l’élément le plus onéreux de notre budget, car nous vivons dans une maison de 240 m2 qui vaut environ 320 000€, dans une ville où la moyenne est à peine de 160 000€. Ici, un tel budget vous permet d’acquérir une maison avec 4 chambres dans le meilleur quartier de la ville.

Notre maison a quatre salles de bains, y compris une suite parentale sortie tout droit d’un magazine de décoration d’intérieur. Toutes les commodités de la ville, un marché de l’emploi fleurissant, ainsi que des lignes de bus régulières et rapides vers les villes environnantes, sont accessibles à pied.

Comment on économise sur cette dépense :  Nous avons acheté cette maison pour environ 280 000 euros il y a six ans environ. À l’époque, il était clair que le prix était 40 000 euros en-dessous de la vraie valeur de la maison, parce que (1) le vendeur était pressé, et (2) l’agent immobilier ne connaissait pas le marché local. Nous avons visité la maison le jour même où elle a été mise sur le marché, et nous avons fait une offre d’achat avant la tombée de la nuit.
Depuis, j’ai passé près de mille heures à rénover la maison et ajouter des améliorations : du vrai parquet à la place des tapis, un joli carrelage à la place de la douche en plastique, et d’autres détails qui me rendent fier de la baraque. Tout cela ne nous a pas coûté grand-chose, puisque la menuiserie est un de mes hobbies ; pour moi c’est plus du loisir que du travail. Cela veut dire aussi que la maintenance et les réparations ne nous coûtent presque rien ; je trouve les matières premières sur LeBonCoin et la main-d’oeuvre est gratuite.

La maison est à un emplacement stratégique : la taxe foncière nous coûte seulement 1 900 euros par an. Une conception intelligente des ouvertures et de l’isolation, associée à un climat ensoleillé mais tempéré, nous permet de ne pas sortir plus de 360 € par an en chauffage et en clim’. Puisqu’on surveille notre consommation électrique et que le coût local de l’électricité est raisonnable, nos factures électriques ne dépassent pas 25 euros par mois.  Est-ce que cela coûte beaucoup plus cher de se loger, là où vous vivez ? J’avais le même problème – j’ai dû déménager et venir vivre ici exprès pour trouver la combinaison parfaite de qualité de vie et de prix raisonnable.

Les loisirs et gadgets :

Vélos de montagne, VTT, équipement de sport, kayak, batterie, tout notre équipement !

On a tous les gadgets nécessaires. Et même trop de gadgets.

  • 5 ordinateurs performants partageant une connection sans fil haut débit et pleins à craquer de films et de musique.
  • Un home cinema au sous-sol avec un videoprojecteur permettant de visionner des films sur un écran de 3.5m de diamètre.
  • Un système stéréo avec une qualité de musique parfaite, et cinq autres systèmes multimédia pour écouter de la musique partout dans la maison.
  • Un ensemble de batterie 1994 avec les finitions en érable verni.
  • Deux guitares.
  • Des micros et des tables de mixage.
  • Un Didgeridoo du feu de dieu acheté en Australie, directement des mains de l’artisan aborigène qui l’a sculpté, et qui m’a appris à en jouer.
  • Un atelier de menuiserie suffisamment complet pour construire une maison entière à partir de rien.
  • Une véritable Caverne d’Ali Baba de jouets éducatifs pour notre petit garçon.
  • Six bicyclettes (*)
  • Un kayak gonflable Sevylor.
  • Du matériel de camping.
  • Tout l’équipement sport et de muscu dont j’avais toujours rêvé.
  • Un équipement complet de snowboarding.

Trop, trop !

Comment on économise là-dessus :

À l’âge avancé de 37 ans, je commence à sentir le poids des années. Cela fait 17 ans que je gagne un revenu d’adulte (et/ou un revenu passif de mes investissements), et chaque année j’ai été tenté d’acheter encore davantage de ces accessoires de luxe.

J’ai fait la plupart de ces achats sur Leboncoin ; les autres ont été hérités d’amis ou de membres de la famille, ou encore de locataires qui les ont abandonnés dans notre maison. Certains ont été troqués contre des objets dont nous n’avions plus l’utilité. Et enfin, pour le reste, j’ai fait mes recherches pendant des mois, et comparé les prix de plusieurs magasins avant de me décider. Tous nos gadgets sont de plutôt bonne qualité ; du coup ils n’ont pas tendance à casser souvent, ce qui veut dire qu’on a tendance à les accumuler au fil des années.

Je ne suis pas fier d’avoir accumulé tout ce barda. Si je vous montre tout ça, c’est juste pour vous permettre de comprendre qu’on ne vit pas une vie de privation.

Vivre dans une des plus belles régions du monde

Vivre dans un endroit agréable pour pas cher

La famille Money Moustache vit, en toute objectivité, dans l’une des plus belles régions du monde. Le comté de Boulder, dans l’état américain du Colorado, est à la frontière des Montagnes Rocheuses, et un climat constamment ensoleillé illumine les rivières étincelantes issues de la fonte des glaciers.

Vous pouvez débouler de votre garage sur votre vélo et vous retrouver en quelques minutes dans un canyon surplombé de falaises de 600m de haut de chaque côté, en pédalant le long d’une rivière, en faisant signe de la main aux alpinistes suspendus dans le ciel autour de vous comme autant de minuscules fourmis. Continuez un peu la balade, et vous pouvez poser votre tente en plein milieu de la nature sauvage, sans la moindre trace de civilisation autour de vous.

Et pourtant, vous êtes en fait entouré de villes et de petites communes qui vous mettent à portée de main la plus riche économie du monde, avec une quantité minime d’impôts et de réglementation. Malgré tout cela, la vie ici ne coûte presque rien par rapport aux salaires qu’on peut gagner, puisque la nourriture et le logement sont bon marché et il y a des terrains à prendre pour tout le monde. Comme beaucoup d’endroits dans mon pays, cet endroit est de la Pure Liberté distillée sous forme de paysage.

Comment on économise :

Nous ne nous sommes pas installés dans la ville même de Boulder (où une maison comme la mienne coûterait plus d’un million !!) – mais simplement 20 km plus loin, à Longmont. C’est une ville nettement moins « à la mode », et les riches habitants de Boulder nous raillent constamment, en imaginant que notre ville à nous doit être un vaste terrain vague rempli d’éleveurs de bétail et de dealers de drogue. Mais ils ont complètement tort : je vis ici depuis six ans et je ne suis entouré que d’arbres majestueux, de rivières limpides, de gens authentiques et de familles heureuses. Et on a même un peu de l’effet « hipster » qui commence à se développer, si j’en crois le nombre croissant de Beach Cruisers, de Subarus, de barbichettes, et de micro-brasseries.

Nos vacances :

Voyager dans le luxe pour pas cher

Quand votre vie change, vos habitudes de voyage évoluent aussi. Quand nous avions la vingtaine, ma femme et moi avons visité pas mal d’endroits : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Italie, Hawaï, le Mexique, et bien sûr le Canada et une grande partie des États-Unis. Maintenant que nous avons un bout de chou de six ans, nous restons un peu plus tranquilles en visitant principalement le nord de l’Amérique. Mais cela ne veut pas dire qu’on reste bloqué à la maison. Même à son jeune âge, notre fils a déjà vu quatre pays différents et 20 états des États-Unis. Nous passons environ 3 mois par an à voyager et prévoyons d’en faire davantage quand il sera plus grand.

Comment on économise :

Madame Money Moustache adore planifier nos voyages. Le voyage est une de ses passions, et c’est pourquoi on en fait autant. Elle passe Internet au peigne fin pour dégoter les meilleurs plans pour les vols et les hôtels. On utilise des cartes de crédit qui rapportent des bonus, pour obtenir des vols gratuits et des ristournes. On voyage parfois en prenant la route dans notre petite voiture économe, on amène nos propres repas, et on fait du camping dans la Nature pour certaines de nos vacances aux USA. On n’est pas du tout tentés par les voituriers, les cocktails à 20 euros, et les restaurants à 100€ le menu, mais on est CARRÉMENT impressionnés par les montagnes de 4 500m d’altitude, les récifs de corail, les parcs nationaux et les plages peu touristiques.

Nos Voitures :

Quelle voiture possède Monsieur Money Moustache ?

Je parle de vélos tout le temps, alors je dois être une de ces personnes bizarres qui ne touchent jamais à une voiture non ?

Eh non ! Au contraire, j’adore les voitures et je suis secrètement un fan de moteurs. Si mon bon sens ne me retenait pas, j’achèterais carrément une Tesla Roadster (une des voitures les plus rapides du monde), et une monstrueuse BMW 335d GT familiale diesel pour les balades à trois, et aussi un Fourgon Mercedes Sprinter personnalisé pour en faire un camping-car lors des longs voyages.

Comment on économise :

Eh bien en fait, je me suis forcé à regarder la réalité en face : les voitures chères sont un énorme trou dans le portefeuille et n’amènent aucun bonheur durable, donc je me concentre sur le bon sens plutôt que sur le luxe. Nous avons une Scion xA (surnommée Xéna) âgée de 7 ans pour la plupart de nos rares excursions en voiture, et j’ai aussi un miniman Honda Odyssey (« La Mujer Azul ») âgé de 13 ans pour transporter les outils et le bois pour mon hobby de charpentier à temps partiel. La Scion nous transporte dans un confort absolu pour moins de 6 L aux 100km. Le van est occasionnellement utilisé pour nos voyages en camping, et apprécie la balade.

On a choisi d’acheter ces deux véhicules d’occasion, et pourtant ils sont encore dans un état quasi-neuf et ne sont jamais tombés en panne ou quoi que ce soit de ce genre à part changer l’huile et les essuie-glace. Une des raisons de cette longévité : nous conduisons moins de 11 000 km par an, et en général pour de longs déplacements sur l’autoroute. Malgré une valeur de revente totale inférieure à 9 600€, ces deux véhicules sont bien plus que nécessaire pour notre famille.

L’Alimentation :

Manger bio pour pas cher !

Ah, le luxe de la bonne chère. On n’en a pas besoin pour être heureux (je vivrais facilement en me contentant de riz, fruits et légumes), mais on se permet tout de même d’acheter de la nourriture raffinée chaque semaine et de se donner à fond pour en faire des plats attractifs. On invite des amis chez nous pour faire la fête, et nous les nourrissons avec plaisir de ces aliments chers et bons. La plupart de nos ingrédients sont bio, et sans gluten du fait des préférences de ma femme. Tout cela coûte plus cher en théorie. J’apprécie et j’adore, mais c’est bien plus que nos besoins de base, donc je me permets de le dire franchement ici ! Bon appétit !

Alors, qu’est-ce qui manque dans notre vie ?

Beaucoup de lecteurs qui sont nouveaux sur ce blog, font le calcul de leur propre budget et se rendent compte qu’il est bien plus élevé que celui de la famille Moustache. Alors que faisons-nous de si différent, pour avoir un style de vie apparemment normal pour un budget si léger ?

Ce qu’il faut remarquer avant tout, c’est l’absence d’une catégorie « Divers » dans notre budget. Nous avons beaucoup de « choses », mais que nous avons acheté une seule fois, et en général il y a longtemps. Je passe souvent des mois sans ressentir le besoin de visiter le moindre magasin à part pour les courses alimentaires et mon matériel de menuiserie. On n’achète pas de chaussures à talons et de massages au spa, et on mange au restaurant peut-être une fois par mois en moyenne.

L’autre facteur, c’est qu’on évite de prendre la voiture. On conduit uniquement quand il faut se rendre dans une autre ville, ce qui arrive peut-être une fois tous les dix jours. Pas d’aller-retours au magasin, pas d’aller-retour pour aller au boulot en semaine, et surtout pas de voiture juste pour le plaisir de se balader. C’est à ça que servent les VÉLOS !! Ce paragraphe, à lui tout seul, peut diviser par deux votre coût de vie.

Et enfin il y a l’éducation de notre fils. Avoir un seul enfant est, bien sûr, moins cher que d’en avoir plusieurs – les dépenses liés à notre fils sont en moyenne de 240 euros par mois au cours des 6 dernières années. Mais il y a aussi une grande marge de manœuvre sur la quantité d’argent que vous dépensez en tant que parent, et dépenser davantage ne fait pas forcément de vous un meilleur parent. J’appelle cela « éviter le syndrome des Grandes Petites Écoles« .

Et enfin, vous remarquerez que nous n’avons pas de remboursement de prêts. Je n’ai jamais eu de dettes, à l’exception d’une année de folie automobile quand j’étais jeune et de quelques années à rembourser le prêt sur une maison. Un style de vie comme celui mentionné ici pourrait facilement coûter 50 000 euros ou plus par an si vous sautez à pieds joints dans un prêt à la consommation pour toutes vos dépenses. Mais en possédant les choses que vous utilisez, la vie devient bon marché.

Bien sûr, être vraiment propriétaire de ses affaires, ce n’est pas gratuit non plus : à part les dépenses mensuelles, il y a aussi de l’argent « bloqué » dans votre maison et les objets que vous avez. Si on vendait tout, et qu’on vivait dans une maison de location, et qu’on louait nos voitures, vélos, et meubles, alors notre coût de vie serait proportionnellement plus élevé. Mais au final, c’est l’un des deux éléments nécessaires pour économiser et financer votre style de vie :

  1. Les choses que vous possédez, point barre (en faisant le total de tout ce dont j’ai parlé dans cet article, environ 320 000 à 400 000 euros, la majorité correspond à la maison)
  2. Les investissements que vous possédez (actions en bourse, obligations, immobilier, petite entreprise, etc.) qui paient vos dépenses annuelles. Pour vivre avec 23 000 euros de dépenses par an, en utilisant la Règle des 4%, il vous faudra 575 000 euros d’économies que vous investissez. (Comme je possède un bien locatif, qui me rapporte des revenus supérieurs à la règle des 4%, j’ai besoin d’encore moins que cela pour bien vivre)

Autrement dit, un style de vie comme le nôtre peut être le vôtre aussi, de façon durable, avec un peu moins de 1 million d’euros d’économies, sans plus jamais avoir besoin de travailler. Un million d’euros, ça vous dit quelque chose ? C’est un montant qui semblait énorme dans le passé, mais tout le monde dit aujourd’hui que c’est insuffisant pour prendre sa retraite. Mon argument à moi, c’est que c’est beaucoup plus que vraiment nécessaire.

L’Avenir :

La vie est pleine de surprises, et je suis impatient de voir ce qu’elle me réserve. Nous sommes encore des débutants dans cette vie de jeunes retraités (même si on travaille encore pas mal pour le plaisir). Et il reste encore dans notre vie pas mal de traces de notre ancienne vie de consommateurs.

Sur le long terme, j’aimerais vivre une vie plus simple dans une maison plus petite avec moins de « choses » autour de moi. À mesure que notre garçon grandit, on veut qu’il soit plus impliqué dans des activités de travail et d’aventure, pour qu’il ne grandisse pas en prenant cette abondance matérielle comme un acquis.  Alors même si les haters continuent d’accuser la famille Moustache de vivre une vie trop frugale à leur goût, vous allez sûrement constater qu’on continue à simplifier notre vie. Même si les revenus financiers et le bonheur augmentent avec le temps, les dépenses excessives et le matérialisme peuvent s’effacer si vous choisissez ce qui compte vraiment pour vous.

 

* Après lui avoir lu cette partie de l’article, mon fils m’a informé que je devrais compter sa nouvelle bicyclette dans le total et m’assurer de l’inclure dans la photo. Donc, correction : nous avons sept vélos et pas six.

Comment j’ai amassé le Pactole qui m’a permis de prendre ma retraite à 30 ans

Comment j’ai amassé le Pactole qui m’a permis de prendre ma retraite à 30 ans

On m’a souvent demandé d’expliquer plus en détails comment je suis devenu « Monsieur Money Moustache » à un si jeune âge. Les commentaires sur mon blog en Anglais, et de nombreux emails, m’ont demandé de partager les montants de mes Salaires et de mon Epargne au fil des ans, et de décrire les entrées d’argent exceptionnelles, ou les stratégies peu communes qui ont rendu tout cela possible.

J’ai hésité à partager ces détails auparavant, principalement parce que je n’ai pas gardé toutes les traces écrites de ces années-là, et que c’est un bilan assez compliqué et imprécis à réaliser de mémoire. Et puis, c’est embarrassant de devoir me mettre « à poil » en public en montrant mes finances. Mais zut, plein de blogueurs spécialisés en finance vous montrent des graphiques de leur patrimoine en temps réel sur la page d’accueil, donc ce n’est pas trop demander à MMM que de dévoiler un vague résumé de son histoire lointaine.

Et puis, cela m’est aussi utile de mettre les choses à plat, pour convaincre ceux qui doutent, pour divertir les voyeurs, et pour que les Moustachistes débutants puissent comparer leur propre progrès à mon parcours. Donc voici ma tentative de retracer l’histoire aussi précisément que possible. De mes débuts en tant que jeune diplômé pendant les premiers jours de l’Internet, jusqu’au charpentier aux mains calleuses et à la barbe poivre-et-sel qui vous écrit aujourd’hui.

NdT : les sommes d’argent ont été traduites en Euros en utilisant le cours le plus exact possible pour chaque période. Cela explique, sur une période de 10 ans, la fluctuation des montants en Euros.

L’année « 0 » (1997) : La Carrière à plein temps démarre. Monsieur Money Moustache vient de décrocher à la sueur de son front et est enfin prêt à rejoindre la fiesta du monde du travail. Il démarre son premier emploi au début du mois de Mai, et sèche carrément la Soirée de Remise des Diplômes Universitaires parce qu’il ne veut pas rater la moindre journée de travail (il vient de s’installer dans une ville à 500 km de la fac).
Âge : 22 ans
Salaire de départ : 41 000 $ (34 000 euros de l’époque)
Endettement pour payer ses études : Zéro – grâce à des dépenses raisonnables, un « coup de pouce » d’environ 10 000$ (8 400 euros) incluant l’aide de ses parents ainsi qu’une bourse, et des jobs d’été pendant le lycée et l’université.
Patrimoine total : Absolument ZERO. Rien sur le compte en banque, n’a jamais eu de voiture, juste un vélo, un sac à dos, et son diplôme.

Année 1 : J’ai démarré cette première année comme un idiot, en achetant une voiture de sport Ford Probe GT presque neuve pour 16 000 $ (13 500 €). Et j’ai emprunté à ma soeur aînée de l’argent pour l’acheter (manque de bon sens absolu !!!). Cela m’a pris presque toute l’année pour rembourser cet emprunt. Je m’amusais aussi à épater la galerie en sautant de bar en bar, de restaurant en restaurant,  en entassant du matos informatique et des meubles, des accessoires pour ma voiture, et un voyage au Mexique pour couronner le tout.Heureusement pour moi, j’ai souscrit au plan épargne retraite proposé par mon employeur.  J’ai aussi travaillé comme un esclave, et passé mes weekends et soirées au bureau. Grâce à tout cela, et à un marché en plein essor dans les nouvelles technologies, j’ai eu une augmentation au cours de cette année, ce qui ma amené à un salaire de 57 600 $ (48 000 euros), et à un pactole de l’Année 1 : 5 000 $ (4 200 euros) sur mon compte d’épargne retraite.

Année 2: Pendant ces deux premières années, je vivais en colocation en partageant une série de maisons, que nous avons successivement baptisées L’Asile 1, puis L’Asile 2, et L’Asile 3. Du coup mon loyer était d’environ 350 $ (290 euros) par mois, et les charges étaient minuscules. Après avoir fini de rembourser mon emprunt stupide pour ma voiture trop chère, et grâce à mon nouveau salaire, j’ai pu économiser un peu plus : 5 000 $ dans le compte retraite, 3 000 $ (2 500 euros) dans des actions de l’entreprise qui m’employait, et 10 000 $ (8 400 euros) en cash.
Pactole en fin d’Année 2 : 23 000 $ (19 300 €). (13k dollars dans les actions et en liquide, et 10k dans le compte retraite)

Année 3 : C’était la fin de l’année 1999, et les marchés financiers (ainsi que le marché de l’emploi) étaient en pleine explosion. J’ai dégoté un nouveau travail aux Etats-Unis et j’ai émigré là-bas pour toucher un salaire de 77 000 $ annuels (72 000 euros de l’époque). Je suis parti dans ma bonne vieille Probe GT à la conquête de Boulder, dans le Colorado, et j’ai utilisé le journal local pour me trouver une autre colocation, et avoir un loyer dans mon budget de 400 $ (360 euros) par mois. J’ai décidé que je voulais acheter une maison – mais j’ai été déçu d’apprendre qu’il me faudrait 47 000 $ (44 000 euros) d’apport pour acheter une petite maison, qui me coûterait un minimum de 235 000 $ (220 000 euros). J’ai vendu les actions de mon employeur de l’année 2, qui valaient maintenant 9 000 euros, et j’ai économisé davantage sur mes nouvelles fiches de paie. Après plusieurs mois à mon nouveau poste, j’avais en poche les 44k€ d’apport. A la fin du mois de Mai, j’ai fêté une année productive de travail en emménageant dans ma nouvelle maison.
Pactole en fin d’Année 3 : 67 000$ (47k dans la maison, 10k dans le compte retraite, 10k en cash)

Année 4 : A ce stade, celle qui allait devenir un jour ma femme a enfin obtenu son diplôme au Canada et a décidé de me rejoindre à Boulder. Elle est descendue dans le Colorado à bord de sa vieille Civic de 1993, et s’est lancée à la recherche d’un job. Elle a décroché un poste pour 44 000 $ annuels (45 000 euros à l’époque). Et moi, j’ai réussi à me faire débaucher par une autre société de la région pour le salaire clownesque de 83 000 $ (85 000 euros). C’est là que les choses ont commencé à s’emballer côté revenus, bien que nous étions encore bien loin de penser à la retraite anticipée. Pendant les vacances, on a visité une grande partie des USA et de Hawaï, et aussi fait un détour par l’Australie et la Nouvelle Zélande. J’ai mis de côté 20% de mon salaire dans un compte d’épargne retraite « 401k » et mon employeur a versé un complément de 5000$, et pareil pour ma petite amie. Nous avons tout les deux ouvert des comptes Vanguard pour investir tous nos excédents de cash. Nous avons aussi effectué des remboursements anticipés sur le prêt de la maison.
Pactole en fin d’Année 4 : 150 000 $ (165 000 euros de l’époque)

Année 5 : Nous étions encore des Bons Petits Soldats du travail à cette époque, donc nous avons obtenu des augmentations. J’ai touché 100 000 $ (110 000 euros) cette année-là en incluant mes primes, et elle a touché 60 000$ (66 000 euros). Je travaillais très dur cette année-là sur les rénovations de la maison. Nous avons organisé pas mal de super soirées dans cette maison, et la vie était belle. Cette année-là j’ai également bêtement endommagé mon patrimoine de 10 000 $ en achetant une moto flambant neuve avec cet argent si facilement gagné. Mais les plus-values sur mes actions en Bourse ont commencé à s’accumuler, ce qui représentait 10 000 euros environ cette année-là. Donc nous avons tout de même réussi à augmenter notre épargne de 100k après impôts cette année-là.
Pactole en fin d’Année 5 : 250 000 $ (275 000 euros)

Année 6 : Mon salaire a augmenté un peu à cause d’une prime inattendue de mon employeur, et ma petite amie a décroché une augmentation elle aussi, amenant son salaire à 65 000 dollars. (60 000 euros de l’époque)
ET, nous n’avons rien acheté de stupide cette année-là. En fait, j’ai finalement eu l’idée de génie de vendre ma voiture, et nous sommes devenus un couple mono-véhicule. La 2e voiture ne m’a pas manqué une seule minute. Les gains de nos investissements nous ont rapporté 20 000$ (18 000 euros) cette année-là. C’est compliqué de me rappeler quel pourcentage était imposé à l’IR, et quel pourcentage était sur des comptes retraite non imposables. Mais une estimation réaliste de notre patrimoine à cette époque serait…
Pactole en fin d’Année 6 : 365 000 $ (310 000 euros)

Année 7 : Pas d’augmentation de salaires, mais le même genre de super revenus  tout en gardant des dépenses modestes, combinées avec des gains de 30 000$ sur nos investissements.
Pactole en fin d’Année 7 : 490 000 $ (400 000 euros)

Année 8 : Une augmentation pour la jeune mariée (!) qui touche maintenant 70 000 $ annuels (57 000 euros). Pendant ce temps, je suis passé à un temps partiel de quatre-cinquièmes en échange d’une réduction de salaire de 20% – mon premier test pour voir si la retraite anticipée pourrait me plaire. Mais c’était quand même une année qui nous a apporté un sacré boost, puisque j’ai vendu mes stock options d’un précédent employeur, et touché des primes chez l’actuel. Mes revenus ont dû atteindre un montant dingue de 125 000 $ (102 000 euros) cette année-là. Mes investissements ont rapporté 40k.
Pactole en fin d’Année 8 : 600 000 $ (462 000 euros)

Année 9 : J’ai quitté mon job !!! Et j’ai démarré ma propre petite activité de jeune retraité exploitant une passion : une petite entreprise de construction. Cela m’a rapporté environ 50 000 $ (38 000 euros) la première année, et ma femme travaillait encore pendant une partie de cette année avant de décider de rester à la maison s’occuper de notre bébé, ce qui a rapporté 60k (46 000 euros). En plus, on s’installe dans une nouvelle ville et on achète une maison moins chère, et on met la première maison en location ce qui rapporte un cashflow positif important vu qu’on n’a qu’un petit prêt. Comme la maison a aussi gagné en valeur depuis que je l’ai achetée, je commence à inclure la plus-value potentielle dans le décompte de mon patrimoine à partir de ce moment (environ 100 000$ une fois qu’on soustrait le coût des matériaux utilisés dans la rénovation, soit 73 000 euros de l’époque). Je considère que 50k environ viennent de la montée du marché immobilier, et 50k sont directement liés à la rénovation. Et les gains de mes investissements s’élèvent à 35k.
Pactole en fin d’année 9 : 720 000 $ (525 000 euros)

À un moment pendant l’année 9, on s’est auto-déclarés « À La Retraite ! », et on a quitté nos CDI pour pouvoir s’occuper à plein temps de notre bébé. Le loyer de la maison qu’on avait mise en location couvrait largement les prêts des deux maisons. De plus, on avait quand même des petites activités à temps partiels pour nous occuper après les premiers mois de vie parentale. Au bout d’un moment on a déménagé encore une fois et on a mis les deux premières maisons en location. Et puis, plus tard on a vendu les deux maisons et investi les gains ailleurs. Et je suis devenu encore plus sage et j’ai vendu ma moto, ce qui a libéré en même temps une petite pile de cash, et plein d’espace dans mon garage, que j’ai enfin pu consacrer à mon plus grand amour : mon atelier de bricolage.

Pactole en fin d’année 10 : 800 000 $ environ (512 000 euros)

Au fil des dernières années de ce récapitulatif, mais sans que les montants soient inclus ci-dessus (histoire de ne pas rendre l’explication trop compliquée),  j’étais aussi en train de m’intéresser à cette activité secondaire de construction. C’était un succès incroyable la première année, puis un flop catastrophique la seconde année. Je vous raconterai les détails une autre fois, mais l’histoire a une fin heureuse. C’est juste qu’à cause de ce business j’ai construit une maison flambant neuve que personne n’a voulu acheter (à cause de la crise immobilière) et que je me suis retrouvé pendant des années avec cette maison qui immobilise une grande partie de notre patrimoine, mais qui génère tout de même 2400 $ de loyer mensuel (1750 euros).

Aujourd’hui je ne construis plus de maisons pour tenter de les vendre – j’ai fermé cette société, et Madame Money Moustache et moi, avons immatriculé une petite entreprise ensemble qui sert à faire ce qui nous intéresse sur le moment. Des rénovations et finitions dans pour des voisins sympa dans mon cas, et des ventes immobilières de temps à autre pour des voisins sympa dans son cas. Cette carrière sans stress nous convient très bien, et me permet de ne pas passer mes journées assis dans un canapé à écrire des articles pour VOUS.

Evidemment, la Brigade de la Rente va sauter sur l’occasion pour dire, « Attends Un Peu, Monsieur Money Moustache ! Tu viens d’avouer que tu travailles encore de temps à autre ! CE N’EST PAS UNE VRAIE RETRAITE ! »

À ces personnes, je ne peux que répondre : « Vous verrez bien par vous-mêmes ». Parce que quand vous quittez votre job salarié, vous vous retrouvez d’un coup avec plein d’énergie supplémentaire, ce qui veut dire que vous avez envie de faire encore plus de choses de votre temps ! Et si certaines de ces choses vous rapportent de l’argent, ainsi soit-il.

Je nous considère comme À La Retraite, parce que c’est un nouveau mot étonnant à utiliser pour désigner des gens de moins de 50 ans, et beaucoup plus frappant que « Indépendant Financièrement ». Et puis, le cashflow de nos investissements est largement supérieur à nos dépenses… Donc on peut travailler juste pour le fun, et selon nos propres conditions. Par exemple, cette année, j’ai arrêté mes projets de charpenterie et menuiserie et je me suis mis à écrire ce blog (!) et à accepter des missions bénévoles comme donner un coup de main à l’école primaire de ma ville. Pendant d’autres années, je gagnerai probablement des centaines de milliers de dollars de façon accidentelle en démarrant une nouvelle entreprise. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?! Même dans ce scénario, Monsieur Money Moustache sera quand même retraité, et vlan.

Depuis l’année 10, plusieurs années se sont écoulées, et puisqu’on a une maison en location qui paie toutes nos factures  et parce qu’on fait encore des petits travaux qui mobilisent nos compétences pendant que notre fils est à l’école, les gains de nos investissements ainsi que notre revenu ont continué à s’accumuler. On a aussi fini de rembourser le prêt sur la maison principale.

Donc… même si on refusait d’avoir la moindre petite activité fun et lucrative à partir de maintenant, il faudra à un moment donné qu’on se mette à dépenser comme des malades, ou (plus probable) faire des choses positives et généreuses avec l’argent en rab qu’on a.

Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Que je préfèrerais donner carrément mon argent, plutôt que de le dépenser pour payer un bataillon de mecs à faire du raffut avec des tondeuses à gazon et des souffleurs à feuilles sur ma pelouse pour que je puisse les regarder tranquillement travailler depuis mon transat ? Oui, messieurs-dames, je dis ça pour vous faire comprendre que la « frugalité » devient un vraie mode de vie à un moment donné, au point où vous finissez par préférer une vie simple et autonome même si vous avez enfin les moyens de vous payer tout et n’importe quoi.

Je suis sûr que je vais recevoir pas mal de questions me demandant d’expliquer d’où venaient tous ces gains (je ne me souviens plus exactement, mais je me souviens avoir fait une série d’achat d’actions du S&P 500 – équivalent américain du CAC40 – pendant la grosse crise des années 2000 ; et aussi un peu d’achat/revente d’actions Cisco quand elles sont tombées à 7 $ et remontées à 30 $). La plupart de mes gains venaient simplement d’investissements périodiques à sommes fixes et de dividendes. Et l’argent que j’ai épargné via les plus-values en Bourse reste minime comparé à ce que j’ai épargné simplement avec la bonne vieille technique de ne-pas-acheter-des-trucs-à-tout-bout-de-champ.

Les points fondamentaux de ma grande stratégie ont principalement été :

  1. Vivre à deux dans un budget total de 30 à 40 000 dollars par an (21 000 à 29 000 euros par an) incluant notre coût d’hébergement,
  2. Économiser tout le reste.

Le plus gros facteur qui nous a permis de vivre avec un budget aussi léger, est notre décision de vivre près de notre lieu de travail, et de ne PAS passer notre temps dans une voiture.

Je sais aussi que d’autres personnes vont me faire la remarque que les salaires mentionnés ici étaient élevés, par rapport au revenu médian des travailleurs.  Je ne le nie pas – on a eu la vie facile, et c’est pourquoi on est partis à la retraite au début de la trentaine. Mais beaucoup de gens que je connais gagnent beaucoup plus que nous, et les salaires dans le milieu de l’informatique sont beaucoup plus élevés maintenant qu’à l’époque où j’ai démissionné pour partir à la retraite. J’ai peut-être eu de la chance lors du boom des technologies internet, mais les gens qui travaillent dans ce secteur aujourd’hui ont encore plus de chance. Et pourtant, la plupart d’entre eux ne sont même pas propriétaires de leur voiture, et encore moins leur avenir financier. Donc je pense que cela vaut quand même la peine de partager ces détails. Avec des salaires plus normaux, bien sûr, il faut ajuster légèrement ce plan. Peut-être que vous devriez vous rabattre sur une maison qui coûte moins que les 400 000 $ (290 000 euros) qui sont actuellement immobilisés dans ma maison actuelle, par exemple.
Ou alors vous pourriez décider de travailler jusqu’à l’âge avancé de 40 ou 45 ans ! Mais dans quasiment toutes les situations, pour une personne de la classe moyenne, la retraite est un événement qui peut se produire LARGEMENT avant votre 6à ou 65ème anniversaire, si vous vous y mettez suffisamment tôt.

 * Photo: ces escaliers en spirale mènent à un loft au 3e étage d’une maison que j’ai construite. C’est mon ami Intiaz Rahim qui a fait ces jolies photos en 2010.